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Faire ses contes avec la nature…
C’est un regard sur la nature et sur la relation complexe que l’homme entretient avec elle que porte la photographe italienne Annamaria Belloni dans sa série Supernatura. A l’heure de l’anthropocène, elle choisit de nous ouvrir les yeux sur ses beautés simples et immédiates, qui pourraient nous défier et se retourner contre nous si nous les assujettissions ou les contrariions trop.
Loin de jeter l’opprobre sur l’homme, l’artiste fait le choix de représenter dans ses compositions des moments d’accord et de grâce où nature et humanité se côtoient dans un respect mutuel et un équilibre formel. Tantôt portions d’espace où la présence humaine s’insère discrètement, tantôt fragments de réel habités dans lesquels la nature reprend progressivement ses droits.
Grâce à son regard aiguisé et délicat sur ce qui l’entoure, Annamaria Belloni débusque des situations ou les met en scène, avec humour parfois, avec poésie souvent. Par exemple, lorsque des fleurs se substituent à un visage ou qu’une chevelure flamboyante se fait feuillage dans un mouvement de tête ; lorsque les motifs floraux d’un intérieur font écho à la végétation extérieure ou qu’un homme prend place dans une vieille voiture immobilisée par des plantes qui l’envahissent et l’habillent.
Par ces rencontres insolites, dont la fantomatique robe qui flotte dans un paysage verdoyant pourrait être la figure emblématique, la photographe crée des hybridations et des agencements qui réconcilient les formes de vie, tout en nous mettant subtilement en garde. Comme dans un chuchotement.
C’est également par des superpositions d’éléments et des effets de lumière, entre variations et incidences, que la photographe réintroduit la nature dans les lieux colonisés par l’homme. Ajout de végétaux dans les espaces intérieurs réels ou figurés et jeux d’ombres et de reflets troublent ainsi la perception usuelle que nous en avons. Telles des représentations feuilletées, les images conçues par l’artiste mêlent le réel et ses doubles, dans un jeu habile d’échelle, de présence et d’absence, de fixité et de mouvement.
Qu’elle laisse ses sujets éclater par leurs couleurs et leurs contrastes ou qu’elle les enveloppe d’une lumière douce et tamisée, Annamaria Belloni crée des univers silencieux et mystérieux, confinant pour certains au fantastique. Le voile d’irréalité qu’elle jette sur le monde transforme, en effet, chacune de ses photographies en un récit visuel condensé, entre merveilleux et périlleux. Tour à tour et toutes ensembles, ces dernières apparaissent alors comme les pages d’un conte en train de s’écrire. Une histoire édifiante où l’homme s’inscrirait avec plus d’humilité dans son environnement quotidien, une possible mythologie à venir de la supernature et de la sagesse retrouvée.

 
 
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Pour Faire des gammes avec les motifs du mondePuisant ses inspirations dans le monde naturel – microscopique ou macroscopique – et l’architecture, Emilie Losch retient dans sa démarche les termes de génération, de prolifération, de structure, d’expansion et de géométrisation pour donner forme à des constructions, créatures hybrides et autres villes organiques et utopiques, qui décloisonnent les catégories et abolissent les frontières entre arts plastiques et design.
Sous ses doigts, les lois mathématiques, la logique du vivant et les représentations du monde sont bousculées, notamment quand elle miniaturise le bâti, qu’elle monumentalise l’infiniment petit dans ses séries de dessins ou qu’elle traduit l’expérience vécue de l’immensité d’un lieu patrimonial au moyen d’un fragile fil sur une toile de coton.
Dans son travail graphique, la précision du tracé et l’agencement habile des éléments lui permettent de faire coexister des variétés formelles dans des configurations inédites qui semblent fonder un nouvel ordre, à la croisée du naturel et de l’humain. Générés à partir d’unités organiques, minérales ou architectoniques qui foisonnent en changeant d’échelle, les dessins d’Emilie Losch instaurent des modèles et des arrangements systémiques, que viennent nourrir son intérêt pour les fractales et ses recherches sur les mécaniques du monde.
Les rythmes visuels et les textures que produisent les tracés de l’artiste se retrouvent dans ses photographies qui révèlent l’ordonnancement de notre environnement et des constructions qui le composent. Jouant sur la focalisation et le cadrage, elle isole des détails et des motifs, dévoile dans le même mouvement les qualités plastiques des matières tout en mettant en lumière les potentialités signifiantes et la musicalité du monde.
C’est une double recherche sur la représentation, induite par le réel et issue de son imagination, que mène Emilie Losch au travers de ses modalités d’expression. Hier mythologies originales, aujourd’hui nouvelles réalités et figures impossibles interrogeant et dupant notre perception, ses œuvres mettent en jeu une grammaire plastique et visuelle qui allie la simplicité de ses termes – cellules, molécules, cristaux, fenêtres, escaliers, figures géométriques, maison stylisée... – et l’infinité de leurs combinaisons. Telles des notes qui lui permettent de « faire des gammes », quand elle les répète, les démultiplie et les associe dans le format de la feuille ou dans l’espace réel, attentive à la trouvaille et à l’heureuse survenue.
C’est avec ce même plaisir de la découverte qu’elle restreint ses moyens plastiques (le stylo, la pâte de verre, le fer à béton), histoire de les éprouver et de les pousser dans leurs retranchements. Pour débusquer leur richesse plastique et montrer l’inventivité qui se loge dans les jeux entre matérialité et immatérialité, entre ce qui est là et ce que ses œuvres nous invitent à construire à notre tour.
Qu’il soit de fil ou de fer, de traits ou de textures, de contours ou de surfaces, le travail d’Emilie Losch, en croissant et se développant dans des directions plurielles, questionne à la fois l’acte de création et notre rapport au monde. Un rapport renouvelé, sensible et réfléchi, dans lequel nos certitudes et nos habitudes se perdent et se troublent.

 
 
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Choisie par le public lors de l’exposition collective Nous sommes aujourd’hui en septembre dernier, Sabine Fillit revient à la galerie pour présenter La part des choses, sélection de travaux picturaux récents.
Dans ses dessins déjà (dont certains intègrent la présente exposition), les jaillissements de couleur et la dynamique des compositions témoignaient de l’attention que l’artiste porte aux moyens plastiques et à la gamme des effets qu’ils produisent, et de son goût pour les images évocatrices et indicielles. Entre un visible qui se dérobe dans la représentation et une abstraction sensible.
Les œuvres présentées, fruit d’un travail de plusieurs mois, prolongent ces expérimentations sur les médiums, dans une rencontre avec les outils et les gestes, non pour travailler la forme mais pour interroger la couleur dans son déploiement et son rapport à l’espace.
Qu’elle anime les surfaces de papier ou de bois dans la verticalité ou l’horizontalité des formats, Sabine Fillit joue sur l’aspect des couleurs, leur rapprochement, leur dilution et leur intensité pour faire naître des agencements aux tensions et aux scansions singulières. Quand, par exemple, une couleur vient en recouvrir une autre par endroits pour mieux la révéler ou qu’une autre se retire dans un mouvement appuyé ou sous l’effet de la course du pinceau sur une surface déjà badigeonnée. Dans cette série placée à la croisée de la précision et la maîtrise des procédés et de l’aléatoire, les tracés et les plages de couleur semblent avoir leur vie propre : l’outil contraint et dompte le médium alors que la fluidité de ce dernier et la qualité du support le font s’étendre et se répandre.
Ainsi, de contrastes en coulures, de juxtapositions en superpositions, d’aplats en effets de matière, de transparence en opacité et en saturation, toute la palette des effets de la couleur se donne à voir dans ces œuvres qui révèlent de la sorte ses qualités propres et une matérialité toujours renouvelée. Brossée, peignée, essuyée ou encore griffée.
Ainsi, l’œil vagabonde d’un champ coloré à un autre, scrute les sédimentations et franchit les marges, étonné peut-être par la profusion des images et des associations que suggèrent ces effets de surface et de profondeur et par l’impression d’être happé. Cette paradoxale immensité suggérée tiendrait-elle au fait que Sabine Fillit, s’inspirant de façades et du bâti, traite ses supports comme des murs ?

 
 
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Géographie désenchantée, tel est le titre qu’a choisi Yvon Bobinet pour sa troisième exposition à la galerie, mettant en présence différents éléments liés par la question de l’image.
Aujourd’hui, il met en pièces le monde dans ses représentations objectives et codifiées et en reconstruit un, passé au filtre de sa subjectivité et de ses émotions. C’est en déchirant, malmenant, déformant et brûlant parfois des cartes géographiques qu’il réalise les pages de son atlas personnel, Le Grand atlas d’hier et de demain (si tout va bien). Sous ses doigts, la planéité des images se mue en reliefs alors qu’une toponymie ironique et poétique vient se substituer aux noms des lieux et phénomènes physiques des cartes et plans d’origine - Mer de la désolation, RER du bonheur, Zone de déforestation raisonnée ou encore Gouffre des idées creuses - et que tracés, signes et repérages viennent faire écho aux frontières et autres emprises humaines sur l’espace réel.
A la croisée d’une pseudo-scientificité et d’une réinterprétation critique, naissent des images réalistes du rapport qu’Yvon Bobinet entretient avec le monde actuel, qu’il exprime sous forme d’un dispositif global mettant en scène la maquette d’une « vraie-fausse » carte, sept représentations stéréoscopiques de « fausses-vraies » cartes sous forme de photographies et d’une vidéo anaglyphiques. Sept photographies couleur (en vision monoculaire) issues de la vidéo viennent compléter cette exposition, vidéo dans laquelle l’artiste ajoute une dose supplémentaire d’humour en se démultipliant pour mimer les émotions et gestes du quotidien que lui inspirent les cartes devant lesquelles il se met en scène.
Assurément brouilleur de cartes, Yvon Bobinet matérialise ses espaces mentaux sous forme physique pour que nous y déambulions avec acuité et réflexion. Pour prendre conscience de l’état du monde et de notre place à son chevet… et le réenchanter peut-être.

 
 
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Après avoir présenté à la galerie ses séries photographiques « Espaces muséaux » et « Open Spaces », Muriel Bordier revient avec « Les Thermes » pour nous faire pénétrer une nouvelle fois dans ses espaces, méticuleux arrangements de certains pans du réel, à la croisée d’une appropriation fine et critique de nos modes de vie et d’un univers visuel immédiatement reconnaissable (ici, la cure thermale). C’est à travers les étapes successives d’un processus de création exigeant et long : fabrication de décors, prise de vue de corps mis en scène et travail numérique, que l’artiste élabore ses scènes de genre contemporaines. Ce qui caractérise également ses images, ce sont les différentes oppositions, dans les tensions et les écarts qu’elles proposent. Ainsi en va-t-il de l’agrandissement des espaces représentés, dont l’immensité et la démesure miniaturisent les personnages qui les habitent, au point de les faire passer pour des figurines de vastes jeux de réalité fictionnelle. Les lieux sont d’une blancheur subtile toute de nuances et presque aveuglante, contrebalancée par des touches de couleurs saturées et éclatantes qui animent soudain ces espaces désincarnés ou aseptisés. Le calme et la sérénité de ces derniers tranchent, pour leur part, avec le tumulte des activités qui s’y déroulent ou l’arrivée énergique et bruyante d’une foule de marmots. Plus frappante encore est l’opposition entre l’apparente ressemblance des personnages en présence et leur caractère très individualisé, pour qui prend le temps de les scruter avec attention. Sous les directives de l’artiste, chacun des figurants trouve en effet son expression particulière et sa posture corporelle...
Le spectateur doit observer les images dans leur étendue comme dans leur profondeur pour s’y promener et saisir l’intention de son auteur, celle de porter un regard distancié, amusé, parfois moqueur sur les mœurs et travers de notre temps, histoire de faire de chaque image un grain de sable dans une mécanique en apparence bien huilée.

 
 
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Si Jean-Yves Moirin a souvent recours à la photographie ces dernières années, le dessin lui paraît essentiel et il revient régulièrement s’y ressourcer par plaisir.Au début on ne voit rien, ou plutôt on voit comme tout le monde. Ce qu’il faut, c’est une longue observation méditative, crayon en main. Et au bout d’un certain temps on s’aperçoit que les choses commencent à avoir une autre vérité. La réalité apparaît beaucoup plus complexe, et beaucoup plus vraie…(Edouard Pignon in La quête de la réalité).
Ces propos relatifs au dessin peuvent tout aussi bien s’appliquer à la photographie.
Chez Jean-Yves Moirin, la pratique du dessin lui confère une énergie étrange. Il ne dessine guère sur le motif. Il observe, prends quelques croquis puis esquisse le projet de dessin. Il préfère dessiner pour partie de mémoire afin de mieux entrer dans le corps de l’image. Si l’idée est motrice, le traitement plastique est essentiel.
Tout comme dans son travail photographique, nous basculons entre réalité et fantastique dans un espace imaginaire délicat et poétique.
Pour sa première exposition à la galerie annie gabrielli, Vanessa Notley présente un ensemble de dessins, bestiaire imaginaire.
De l’image que nous avons de l’animal, chargée de liens affectifs, l’artiste nous donne une autre manière de l’appréhender. Anes, lièvres ou kangourous (Bag Drawings), au premier regard les dessins séduisent par leurs lignes, formes, nous ne saisissons pas de premier abord le sens et la réalité des images. Ils interrogent les limites (lièvre figé dans sa fuite), mettent en perspective tout ce qui constitue une servitude, tout ce qui empêche ou entrave le déplacement (Spanish Donkey) vers un autre espace, qu’il soit physique ou intellectuel.

 
 
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Récits de vie tenus par un fil
C’est dans le cadre d’un projet mené avec l’historienne de l’art Cécile Laly que Mami Kiyoshi a réalisé les photographies de l’exposition Wadako, histoires de cerfs-volants japonais.
Aller à la rencontre des derniers fabricants de cerfs-volants traditionnels et fixer par les mots et les images leurs histoires personnelles et intimes sur leur métier et leur art qui tendent à se perdre, voilà quelle était l’intention du projet, scientifique pour l’une, artistique pour l’autre.
A l’heure où la globalisation universalise les loisirs et que l’expansion urbaine grignote les espaces ouverts, les poulpes volants – autre nom des cerfs-volants au pays du soleil levant – font moins nombreux dans le ciel, de même que les artisans qui leur donnent corps, en perpétuant des gestes et des univers graphiques hérités d’un père ou d’un maître.
Avec toute l’attention au monde qu’on lui connaît depuis ses premiers New reading portraits, Mami Kiyoshi ne pouvait qu’être touchée par le destin de ces artisans, auxquels elle rend hommage dans ces portraits photographiques. Si son vocabulaire artistique est immédiatement reconnaissable – format carré, cadrage précis, composition rigoureuse, lumière qui révèle chaque élément, agencement méticuleux d’objets abondants qui environnent les modèles et couleurs saturées à la lisière de l’artificialité – elle joue davantage avec l’angle de vue, l’étagement des plans et la profondeur de champ.
Ainsi les premiers plans sont-ils envahis par les cerfs-volants, les lanternes, les matériaux que nécessite leur fabrication et les ouvrages emplis de motifs et de modèles ancestraux qui les inspirent, alors que les personnages prennent place plus à l’arrière de l’image jusqu’à se fondre parfois dans l’atelier. Grâce à la netteté qu’elle accorde à chaque détail de la représentation, Mami Kiyoshi parvient à valoriser autant les hommes que les objets d’art qu’ils produisent, prêtant de la sorte une égale attention à leur destin respectif et à l’histoire dont chacun est porteur.
C’est aussi par les jeux de regard, soigneusement mis en scène, que l’artiste imprime à ses images une dimension narrative dans un savant mélange de gravité et de nostalgie. Que l’artisan fixe l’objectif en souriant, qu’il porte son regard hors de l’image – dans un passé qu’il tente de retenir ou vers un avenir plus radieux, qui sait ? – ou qu’il soit absorbé des mains et du regard par sa tâche, il affirme sa présence dans un monde qui change, cristallisant le lien à l’histoire et au patrimoine et conférant à la photographe et au spectateur le statut de témoin.
Alors, assurément, les Histoires de cerfs-volants japonais de Mami Kiyoshi sont davantage que des portraits photographiques. Ce sont de véritables condensés de vie et de passion, récits visuels de ces femmes et de ces hommes sensibles à la beauté de ces objets poétiques et graciles qui dansent entre terre et ciel, entre passé et avenir.

Anne Dumonteil

 
 
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La galerie annie gabrielli réunit onze artistes sélectionné.e.s, après appel à candidature en région Occitanie, par un jury composéde Lise Ott, critique d’art, Layla Moget, directrice du L.A.C (Lieu d’Art Contemporain) à Sigean et Annie Gabrielli, directrice de la galerie éponyme. Des artistes émergents et confirmés, aux univers et parcours différents, mêlent leurs créations. Le choix de la galerie est de montrer la variété d’expression et les riches utilisations qu’ils en font. Qu’il s’agisse de vidéo, de photographie ou de dessin, de travail de plasticien ou non, chaque aspect participe, l’espace d’une exposition, à une même intention : s’interroger sur la création.Ces différentes formes d’écriture peuvent être lues sous forme de conversation entre plusieurs interlocuteurs-trices, dialogues intérieurs pour certain.e.s, dialogues d’allure didactique pour d’autres.Le public peut voter pour son artiste « coup de coeur ». Le nom du ou de la –lauréat.e sera dévoilé le 21 septembre: il ou elle sera accueilli.e à la galerie pour une exposition solo programmée à l’été 2019…



 
 
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Intrigante et poétique, la série photographique présentée par Jinhui Gao et Régis Bodinier, met en présence des figures humaines, toutes anonymées par un nuage qui oblitère leur tête et le haut de leur corps.
Avec sa forme toujours mouvante et renouvelée, le nuage est ambivalent : léger et immaculé, il invite à la rêverie et menace quand il s’obscurcit ou se charge de pollution. Cette dualité ne pouvait que retenir l’attention des artistes car elle entre pleinement en écho avec la réalité de la Chine d’aujourd’hui. Une Chine qui, dans sa course effrénée vers la modernisation, transforme, au risque de les malmener, les lieux et les existences, tout en portant les promesses d’un futur meilleur.

C’est en inscrivant cette figure humaine hybridée de nature et isolée dans des espaces de vie quotidiens que le couple d’artistes incarne les paradoxes actuels de ce pays : quand le développement galopant et l’urbanisation excessive se heurtent aux traditions, au patrimoine et que disparaissent certains modes de vie et certains pans de l’histoire.
Minuscule aux côtés d’une grue dévoreuse de passé, solennelle devant un lieu sacré ancien, fragile dans un chantier de démolition, la silhouette nimbée d’un nuage semble, par sa posture droite et statique, défier le temps et suspendre la frénésie, bruyante et asphyxiante qui l’environne. Le chaos peut-être pour certains. Par sa seule présence, elle paraît résister face aux mutations du temps présent et parvient à cristalliser les rêves de tout un chacun dans ce pays.

Assurément, la force plastique et sémantique des photographies de la série Mon petit nuage tient à la rigueur des compositions, aux cadrages plus ou moins resserrés sur le paysage qui évolue, à la palette des couleurs qui minéralise le monde et les hommes et à la mise en scène du corps. Elle tient sans doute aussi à leur caractère universel qui leur confère une dimension symbolique et allégorique.
Ne s’agit-il pas en effet de représenter des femmes et des hommes qui se dressent dans un monde qui change irrémédiablement pour garder intactes leurs aspirations et servir leurs idéaux ? Avoir la tête dans les nuages pour capter l’air et les songes. En toute simplicité, avec humilité et délicatesse.

 
 
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La deuxième exposition d’Olivier Rebufa à la galerie, Au Royaume de Babok, est présentée immédiatement après le Frac-PACA à Marseille.
Né à Dakar, Olivier Rebufa est retourné à plusieurs reprises au Sénégal et en Guinée-Bissau.
De sa rencontre avec les Manjak, ethnie de la Guinée-Bissau, est né Kawat-Kamul (« faire une offrande à Dieu » en Manjak) qui a fait l’objet d’une conférence à la galerie en 2015. Ce projet imaginé en 2005 évoluera au cours des années pour donner naissance au travail actuel : Au Royaume de Babok. Cette exposition apporte un nouveau regard sur la démarche de l’artiste qui, par ses liens profonds avec le continent africain, par son initiation aux rites et esprits sacrés, s’est transformé en chamane-artiste. Il ne s’agit nullement d’une restitution documentaire sur l’un des sept Royaumes du Pays Manjak mais d’une quête d’identité et d’une recherche du sacré.
Travail plastique utilisant la photographie, l’infographie, la vidéo et la céramique, Au Royaume de Babok nous projette dans un univers empreint de spiritualité, entre réalité et fiction.


 
 
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Il était une fois une artiste plasticienne qui aimait à s’approprier le réel pour donner naissance à des créatures et spécimens extraordinaires et surprenants, étranges et pourtant si familiers. Dans ses Contes sauvages, Elia Pagliarino se livre à une relecture du monde, de ses usages, de ses images et de la culture, en les passant au filtre de sa fantaisie et de son imagination. Qu’il s’agisse des dessins, des sculptures, des vitrines ou des objets, il semble que, sous ses doigts et ses outils, tout devienne possible : l’humain se mêle à l’animal ou au végétal dans des hybrides qui pourraient peupler les mythologies ou les récits fondateurs de demain ; l’animal devient machine ; les motifs populaires coexistent avec les formes savantes.
Voir dans les dessins et volumes d’Elia Pagliarino uniquement des échos surréalistes serait réduire les filiations et les enjeux artistiques qu’ils portent. En effet, les nombreuses références et citations à l’histoire de l’art et à celle des sciences impriment à la démarche de l’artiste une force visuelle et sémantique indéniable. Elles la situent pleinement dans le champ du dessin contemporain.
C’est par le recours à des formes connues et des images-types puisées dans la culture partagée qu’Elia Pagliarino peut distiller dans ses œuvres, sous le sceau de la légèreté et d’une familiarité rassurante, un propos empreint de gravité. Il en va de sa démarche comme d’un conte : le sens profond ne se livre pas d’emblée, les valeurs, la morale et les questionnements surgissent en creux et entre les lignes. Telle une sorcière, une magicienne ou une bonne fée, l’artiste, en reconfigurant le monde et ses histoires, nous entraîne dans des récits visuels et sensibles qui nous parlent et nous bousculent et dont la fin heureuse pourrait s’écrire ainsi : « Et de nouveaux êtres remplacèrent les espèces éteintes ou dépassées… 

 
 
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Entre humour et désarroi, l’imaginaire de Marc Gaillet entre en collusion avec l’immédiateté de l’actualité et sa mise en scène.
La Statue de la Liberté s’effondre et se brise en mille douilles dorées tandis qu’un tigre trône en pleine nature à côté d’une valise recouverte d’une peau identique à la sienne... L’artiste, en nous donnant à voir des signes, voire des symboles appartenant à l’imaginaire collectif et à une imagerie usuellement stéréotypée, nous déplace dans nos représentations comme dans nos habitudes perceptives. Jouant sur les contrastes, les ruptures visuelles et sémantiques, il créé tensions et paradoxes par des mises en relation incongrues, des télescopages d’objets, de textures et de matières, des collisions surprenantes.
Tout et partie, solidité et fragilité, séduction et effroi, légèreté et gravité, animalité et humanité... toutes ces oppositions présentes dans les photographies placent le spectateur dans une double lecture, faite d’émotions et d’interprétations contradictoires.


 
 
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Dans le cadre de Drawing Room 017, « autour du salon » du dessin contemporain, la galerie annie gabrielli présente Saisir le silence, une exposition des artistes Alexandre Gilibert et Pascale Hugonet, tous deux ouverts à des pratiques riches et complexes, nourries de supports théoriques, historiques et artistiques.
Les deux artistes questionnent le médium graphique dans son approche contemporaine : pour l’un dans l’inframince où il rencontre la photographie, pour l’autre dans une approche conceptuelle où le dessin joue avec le signe écrit.

Comme pour Paysages équivoques, sa première exposition à la galerie (2015), le travail d’Alexandre Gilibert s’élabore autour du paysage, des modes de représentation des détails qui le composent : s’ils ont une dimension photoréaliste, ils doivent aussi être compris comme les traces d’un passage ou d’un transfert du registre de l’image photographique à celui, sensuel, du dessin pur.

Pour Pascale Hugonet, le déplacement est celui de la main qui dessine, qui gratte et inscrit, à la manière d’une écriture, le temps qui passe par un geste inlassablement répété. Elle expérimente l’écriture spéculaire, des traces de signes qui construisent son identité narrative. Dans Journal sur torchons, elle dessine l’écriture : chaque pile de torchons porte le titre de sa période d’écriture.

Mettant à distance le réel dont ils manipulent l’image chacun à sa manière, ces deux artistes créent un univers artistique singulier et si leurs démarches semblent différentes, elles s’apparentent cependant à un exercice monacal avec le systématisme du trait en évocation du temps qui passe : cette méticulosité de leur approche – frisant l’obsessionnel – les rapproche.

 
 
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Avec la série L’œuvre au noir de Yann Dumoget, nous sommes, à première vue, en présence d’images ordinaires. Si le sens de l’œuvre est contenu dans les titres – exposition et série – nous sommes déroutés par le décalage entre réel (ou plutôt partie du réel) et son exploitation picturale, traitée comme une empreinte. Yann Dumoget instaure un mode opératoire : frontalité de l’image, dépouillement de l’espace, utilisation de la couleur noire, aucun personnage. Ce « dispositif » conceptuel entre en cohérence avec l’ensemble de son travail traitant de la crise économique. Visuellement, il s’agit de tirages photographiques présentant, à chaque fois, deux vues identiques mises côte à côte dont l’un des tirages est partiellement repeint en noir. Un texte est associé aux images, Grândola Portugal 2014, relatant l’origine de l’hymne révolutionnaire portugais Grândola, vila morena.

Avec ses modules photographiques, Sylvie Romieu construit un labyrinthe de photographies-miroirs, sa façon de composer. Elle tente un équilibre précaire entre masses noires et photographies, entre vide et plein. Chacun des modules est lié à l’autre et trace des parcours d’exploration : l’autoportrait, poupée, personnages d’une famille élective. Dans Moderato Cantabile, elle a choisi Marguerite Duras. L’enfance, les premiers lieux de la vie, l’environnement premier, sont des marqueurs de notre existence : l’enfance en Indochine, « les roches noires » à Trouville-sur-Mer et la maison de Neauphle-le-Château sont indissociables de l’œuvre de Marguerite Duras tout comme « Le Lac », « Gracias » et le mur du « Tableau de Jo » le sont devenus dans le travail personnel de Sylvie Romieu.

Sylvie Romieu semble passer par des états successifs de trous noirs, traversée par la peur et par un retour au calme.
Yann Dumoget, quant à lui, voulait faire disparaître une ville de ses vues, comme si la civilisation entière disparaissait pour laisser la place au rien, au trou noir.

 
 
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Vanitas ou la nature morte en équilibre
Il a déjà été dit, à propos de Jean-Yves Moirin, à quel point il était attaché à l’idée d’écriture de la lumière et à l’histoire de l’art, dont il aime assurément faire résonner certaines formes dans le champ de la photographie contemporaine. En proposant un deuxième chapitre à sa série “Vanitas”, il réaffirme son goût particulier pour la nature morte qu’il a, semble-t-il, à cœur de traiter au sens propre comme au figuré.
Pour ce faire, il a choisi comme sujets privilégiés des fleurs en train de se faner. Dans ces moments où la flétrissure se substitue à la plénitude presque charnelle, sinon érotique, de la forme, qu’aiment à capturer certains artistes comme Pipilotti Rist, Fischli & Weiss ou Araki Nobuyoshi. Définitivement, ce n’est pas cet état resplendissant, presque incandescent, qui retient l’œil et l’attention de Jean-Yves Moirin mais le caractère transitoire et éphémère du monde, la fragilité de la vie, qui se cristallisent élégamment dans les fleurs, si vite altérées quand le temps passe sur elles. Cette nature en train de s’éteindre offre à l’artiste une gamme étendue de couleurs, de textures et de configurations qu’il est urgent de figer par l’acte photographique, avant que n’adviennent la perte définitive et la fanaison irrémédiable. Quand les pétales ourlés se plissent et se recroquevillent encore et que les teintes virent, jaunies, ternies ou assombries. Ce sont ces dégradations que Jean-Yves Moirin capte, interrompant ainsi le cours de la catastrophe annoncée en autant d’instantanés, qui fixent une existence en devenir. Dans l’atelier ensuite, c’est en alchimiste du réel qu’il manipule ces images, notamment dans le rapport de la forme et du fond.

 
 
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Depuis le milieu des années 2000, les travaux photographiques, mais aussi les court-métrages, de Muriel Bordier s’inscrivent ouvertement dans une déconstruction satirique du paysage humain. Situés dans un contexte dont Dominique Baqué, dans son essai L’extrême contemporain (Éditions du Regard, 2004), souligne les problématiques conjuguées de l’objectivisme sérieux issu de l’École de Düsseldorf et du subjectivisme revendiqué comme tel, ils se développent selon un parcours conceptuel où les séries récentes des Espaces muséaux, des Open Space et des Thermes instruisent une critique de l’imaginaire contemporain des lieux publics. Des mises en scène spatiales de nature futuriste y dominent la représentation humaine de leur gigantisme, remettant en jeu la lecture architecturale du modernisme, suivant un protocole qui rappelle les scénographies des films de Fritz Lang et de Jacques Tati. Expressionnisme de l’un, caricature minimaliste et ironique de l’autre. Il s’ensuit l’impression d’assister à des voyages burlesques en territoires lilliputiens, à la fois drolatiques et gagnés d’effroi, sous la pression des diktats impérieux de tel white cube aveuglant de lumière, de telle configuration spatiale déshumanisée en entreprise, de tels bassins aquatiques conçus à l’instar d’artificielles cathédrales de purification des corps. Telles les pièces d’une nouvelle Alphaville, moins soumise à polémique que guidée par un humour désenchanté, les images de Muriel Bordier tissent progressivement les mailles anthropologiques d’une cité dystopique - baignée de solitude, irriguée d’absurde, accompagnée de la vision acidulée et clinique d’une métaphysique du vide et du non-sens.

Lise Ott

 
 
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C’est la galerie annie gabrielli qui a fait découvrir le travail de Shannon Guerrico en 2012 avec Whispers. Suivirent Libre et sauvage (2013) et enfin Sortir du cercle des coquillages (2014), premier volet d’un travail qui prend appui sur les notions de mystique, de fétiche et de surnaturel au sens large. Shannon Guerrico s’est construite une sorte de mythologie personnelle favorisée par ses origines irlandaise et argentine.
En 2015, sélectionnée par la Fondation Leenaards à Lausanne, elle réalise une résidence en Islande sur deux saisons (2015 et 2016).
Elle continue ses petits arrangements avec le surnaturel et présente Bifröst, deuxième volet, où elle exprime, d’une certaine façon, un chemin inverse : elle part du concret de la tradition, du paysage, de l’architecture pour évoquer l’invisible.
Si chaque série traduit un lieu et un moment différents, l’ensemble du travail de Shannon peut se lire comme une géographie de la mémoire.
Bifröst, littéralement « chemin scintillant », le nom de l’arc en ciel dans la mythologie nordique (le pont entre la terre et le ciel), revisite l’archéologie d’un imaginaire ancestral et nous plonge dans une légende originale, entre jeux d’échelles et simulacres, entre folklore et autobiographie.
Pour cette exposition, Shannon Guerrico tente une nouvelle expérience toute personnelle, renouvelant le genre photographique prédominant dans son travail. L’exposition présente un ensemble de photographies, de papiers peints, collages, sculptures et un livre d’artiste réalisé par les éditions du petit o.



Laissons place aux esprits !

 
 
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C’est la galerie annie gabrielli qui a fait découvrir le travail photographique de Jean-Yves Moirin. L’exposition de 2012 s’intitulait Une obscure clarté, celle de 2014 Vanitas.
Ce qui attire l’artiste, ce sont les potentialités de la lumière, principalement lorsque cette dernière est en lutte avec l’ombre, le sombre, voire l’obscurité. Pour lui, photographier c’est « peindre avec la lumière » et les leçons que nous donnent les peintres des siècles précédents sont sans limite.
Aujourd’hui, tout le monde « fait » des photos mais la vulgarisation de cette pratique, portée par le bond en avant des technologies numériques, ne doit pas nous faire oublier ce qu’il est advenu de « la photographie ».
L’image, qu’elle soit peinture, photographie ou autre, traduit les pouvoirs de l’imaginaire qui au-delà du monde d’illusions tire parti de la perturbation de nos sens pour briser les apparences de notre réalité quotidienne.
Pygmalion et Galatée questionne la réception de la beauté. Elle suscite d’étranges perceptions, troublantes et déstabilisantes, guidant le regardeur sur d’autres chemins, vers d’autres possibles, proposant de nouveaux passages... L’ombre désigne l’objet tout en ouvrant la voie au doute et à l’imaginaire.

Pygmalion et Galatée sont à prendre comme une actualisation des formes d’art du passé dont les références picturales sont mises en scène par la photographie. Les mythes auxquels il est fait référence ici ne sont pas nécessairement à prendre au pied de la lettre. Ils sont autant de motifs poétiques et imaginaires susceptibles de nous parler de la vie et de la pensée des hommes. L’événement est hypothétique, l’œuvre est ouverte.

Jean-Yves Moirin

 
 
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Mais que propose donc Yvon Bobinet derrière le titre choisi pour sa nouvelle exposition ?
S’il semble bien évoquer l’apparence et la ressemblance tout autant que les faux-semblants et l’artificialité, qu’y a-t-il derrière la façade des mots et des images ?

L’artiste présente différents ensembles (Boîtes aux lettres, Mains et Humeurs) qui ont en commun de renouveler notre manière de voir le monde, tant dans les modalités de perception que dans les sujets traités. Ainsi architectures, mises en scène dans des boîtes aux lettres ou corps fragmentés saisis dans des gestes, des postures expressives, prennent-ils forme dans des anaglyphes, des stéréogrammes et autres procédés permettant une traduction du réel en relief.
Si Yvon Bobinet renoue, par là, avec les premiers temps de la photographie et convoque, depuis de nombreuses années, des modes de fabrication d’images et des dispositifs de vision stéréoscopique, ce n’est pas pour envisager la photographie comme le lieu de la technique mais bien pour révéler la poésie du monde.
Dans son travail de composition et d’arrangement avec le réel, il transcende la banalité des choses en proposant des configurations inédites : différentes échelles coexistent dans une même image, la stabilité se noue à la destruction dans l’espace urbain, les scènes et les objets se combinent, se superposent et s’articulent en dehors des logiques communes. Un intérieur de boîte aux lettres abrite ainsi une branche, une pomme et une huître devenant l’écrin insolite d’une nature morte ; il devient, dans une autre image, le lieu d’une scène de crime avec une bobine de ficelle et un nid d’oiseau. Dans une autre photographie encore, les arcades, qui rythment l’architecture, se peuplent de mannequins de couture, non sans rappeler la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico. Fil rouge de la démarche artistique, la mise en présence inattendue d’éléments empruntés au réel précipite des rencontres visuelles, et permet à Yvon Bobinet d’orchestrer le monde qui nous entoure, au gré de ses envies, et de ses coups de folie peut-être.
Les procédés de vision stéréoscopique sont alors un moyen pour lui, ordonnateur du réel et démiurge d’images, d’immerger le spectateur dans ces nouvelles réalités et de lui proposer de se les approprier de manière intime et personnelle. De le faire plonger corps et yeux dans des univers façonnés, tout à la fois intriguants et fascinants, matérialisés et pourtant virtuels, plus vrais que nature bien que fabriqués de toutes pièces...

Dévoilant et révélant la nature de notre vision et les potentialités sensibles de la réalité immédiate, Yvon Bobinet, par le feuilletage des images qu’il crée (re)lie l’espace physique du monde et l’espace mental du spectateur, et l’invite, par là même, à regarder derrière la façade. Manière pour l’auteur de rejouer De l’autre côté du miroir peut-être, mais aussi de se jouer de la capacité de la photographie à capturer le réel de manière objective. Airs de façade sonne véritablement comme une musique visuelle au-delà des apparences et des refrains connus... Voilà qui pourrait entrer en écho avec le mot de l’artiste « Je ne cherche ni à trouver des réponses, ni à en donner, encore moins des vérités ».

 
 
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Humaines, trop humaines est le titre retenu par la galerie Annie Gabrielli pour sa première exposition collective in situ, déclinant ainsi au féminin pluriel l’Humain, trop humain de Friedrich Nietzsche, recueil d’aphorismes sur l’Homme et contre l’idéalisme, et hommage à l’esprit libre qu’était Voltaire. Nécessité est alors de se demander ce qui lie les cinq démarches artistiques mises en présence et cette citation philosophique. Il semble a priori fortuit de trouver un dénominateur commun à ces démarches tant leur aspect se révèle protéiforme.

Au travers des photographes choisies, ce sont deux continents qui sont représentés, l’Asie (Chine et Japon) et l’Europe (Belgique et France), irrigués par des propos différents qui, toutefois, se recoupent par endroits. De la sorte, la question de l’intime se cristallise par le biais du journal chez Annabel Werbrouck (Journal d’une femme à Berlin) et par celui du souvenir et de la remémoration dans le travail de Delphine Sauret ; celle du document est partagée par Kyoko Kasuya et Morgane Gille. Alors que la première, en écho à la catastrophe de Fukushima qui a meurtri son pays, abolit les frontières et les distances en proposant un ensemble de clichés, accompagné de textes, sur les paysages avoisinant les sites nucléaires français (La Zone), la seconde s’empare de documents d’archives sur un quartier de Nîmes pour produire des images recomposées et hybrides, qui mettent à mal la vér(ac)ité portée par la photographie, et qu’elle présente sous forme d’ouvrage. Le travail de Wang Pei, quant à lui, se situe dans le voisinage de celui d’un socio-ethnologue critique. En effet, la mise en regard et en scène de photographies de mariages chinois témoignent de leurs permanences, et des codes qui les innervent (La vie similaire), tout autant que des écarts qui existent entre vie quotidienne et parenthèse lisse et idéale du jour des noces (La vie parallèle).
Mais, qu’il s’agisse de travail intimiste, de travail de type documentaire ou de travail plasticien, chaque aspect participe à une même intention : s’interroger sur la création et le médium photographique. La légèreté du sujet de Pei Wang se teinte de gravité dans la sérialité, la déshumanisation des photographies de Kyoko Kasuya trouve une incarnation dans la voix de l’auteur, l’objectivité de l’archive se charge de facticité dans le traitement de l’image avec Morgane Gille, l’autofiction de Delphine Sauret devient universelle par les choix techniques et plastiques effectués, et le récit porté par les instantanés de vie de la série d’Annabel Werbrouck résonne bien au-delà de la femme berlinoise qu’elle a choisie pour héroïne anonyme.

Dans la galerie, d’un mur à l’autre et d’un ensemble à l’autre, ces voix individuelles et personnelles se croisent, se répondent et se complètent dans une conversation qui s’inscrit pleinement dans les préoccupations de la photographie plasticienne contemporaine.

 
 
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Après les 7 métamorphoses, série proposée en 2013 par Sabine Meier, la galerie présente Portrait of a man qui a fait l’objet d’une exposition au MuMa (Musée André Malraux du Havre) fin 2014 et qui doit voyager vers New-York en 2016 et Saint-Petersbourg en 2017.
Il s’agit d’une œuvre photographique constituée de trois parties : un ensemble de quatre-vingt-six photographies, un livre-catalogue et un diaporama de deux cent cinquante images.
La galerie propose une sélection de ce travail.

En 2011, Sabine Meier a effectué une résidence (« Regards croisés ») à New York qui devait devenir le théâtre de Portrait of a man (Rodion Romanovitch Raskonikov) inspiré du roman de Dostoïevski, Crime et Châtiment, que l’artiste transpose de Saint-Petersbourg à New-York puis au Havre.
A New York, Sabine travaille en extérieur avec trois modèles dont celui du personnage de Raskolnikov. Au Havre, elle travaille en intérieur, construisant un décor dans son atelier comme elle l’avait fait pour les 7 métamorphoses.

 
 
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L’exposition réunit différents pans du travail du plasticien Alexandre Gilibert. Dessin, vidéo, photographie, gravure, gaufrage, livre d’artiste sont ici mis en présence pour tenir, tour à tour et tous ensemble, un propos sur le paysage. A un fragment de nature traité au pastel sec répond une série de Villes fantômes en lavis d’encre de Chine, qui résonne avec un plan à la blancheur éclatante ou encore un long panorama dessiné.

Combinant dans sa pratique des processus d’ajout et de retrait, l’artiste suspend la saisie immédiate du sujet en tenant à distance la réalité familière. Brouilleur d’images et de cartes, il bouscule tous les codes de représentation de l’espace : avec lui, le plan devient dentelle, la carte se mue en relief et le paysage se résume à une ligne d’horizon. Plus loin, il distille l’étrangeté en donnant à voir des fragments de villes, rendues hostiles par les catastrophes et par leur traitement à l’encre qui finit de noircir leurs images désenchantées. L’humanité qui s’est retirée se lit dans les ruines et les vestiges comme sur les bâtiments décharnés. Dans ces instantanés graphiques se cristallise toute la fragilité de notre monde. Quand la vacuité dit la vanité et le caractère transitoire de nos existences. Ça a été...

Retenir ici le mot de Roland Barthes n’est pas anodin. Certes, c’est de photographie qu’il parlait. Or, curieusement, cette dernière n’est jamais très loin dans la pratique d’Alexandre Gilibert.

Co-commissaires d’exposition : Annie Gabrielli et Céline Ramade, chargée des collections du Musée Régional d’Art Contemporain de Sérignan.

 
 
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La galerie présente La transparence des possibles, regroupant plusieurs séries photographiques réalisées entre 1984 et 2014.
Olivier Rebufa vit et travaille à Marseille, reconnu depuis la fin des années 1980 pour ses mises-en-scènes mélangeant réel et artifices, autoportraits, maquettes, jouets dont notamment la poupée Barbie qui devient instrument d’expérimentations et de réflexions.
L’apparence d’un dialogue naît entre l’artiste réduit à la taille de son égérie et la poupée, parfait stéréotype féminin, qu’il tente d’humaniser et qu’il séduit. Barbie devient le symbole et le syndrome obsessionnels des fantasmes les plus fous dans lesquels Rebufa se perd. Il prend plusieurs identités, acteur d’une vie quotidienne idéalisée ou héros de l’Antiquité : Bellérophon chevauchant Pégase en compagnie d’Athéna (Barbie), Dionysos entouré de nymphes (Barbie), et pourquoi pas Robinson Crusoé rejoint par Vendredi devenu sujet féminin (Barbie), ou encore gardian, torero…
Nous sommes pris dans un jeu de séduction qui ne que s’adresse pas exclusivement à Barbie. Cependant, cet humour n’éclipse pas un sentiment de mélancolie. L’œuvre d’Olivier Rebufa s’apparente en effet à un journal intime où sont formulés ses doutes et sa quête d’une vérité dans le chemin d’une vie semée de petits cailloux, ceux du Petit Poucet mais aussi les pierres obstacles, les pierres de conjurations qui se mettent en travers de la route... Il s’agit d’une réelle interrogation sur la représentation, d’une critique sociale voire sociétale. « Mes poupées interrogent les critères d’une société, mes photos les frontières qui font les hommes et leurs vérités ».

L’exposition comporte également des radiophotographies avec Barbie, volailles et objets divers, des bronzes et des céramiques.

 
 
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C’est la seconde exposition personnelle de Corinne Mariaud à la galerie Annie Gabrielli.
I try so hard se situe dans la continuité de ses précédentes séries. Le travail de Corinne Mariaud repose sur une dénonciation de différentes formes d’oppression sociale, face aux stéréotypes concernant le féminin et le masculin, face à une contrainte et un abus de pouvoir. Elle interroge l’apparence et les formes imposées par la société dans un monde uniformisé. Mais davantage encore qu’une réflexion critique ou qu’une dénonciation féministe, son travail est une quête absolue d’identité qui se dessine à partir de ses propres observations.
Dans I try so hard, elle explore le sourire, celui qui peut exprimer la sympathie, le plaisir ou celui qui peut exprimer la gêne voire la peur. Chaque Smile est l’image d’une femme exagérément stéréotypée, une image d’apparence facile à situer au premier abord mais qui joue sur des ambiguïtés qui nous laissent glisser vers une sensation d’étrangeté et d’inconfort. Les images sont belles… comme une menace.
Corinne Mariaud réussi à capturer l’insaisissable, elle interroge le spectateur lorsque le sourire devient contrainte quand il dure dans le temps, lorsqu’il se répète à l’infini. Il se dégage des moments de tension, comme des arrêts sur image, que l’on perçoit comme un cri.

L’exposition regroupe photographies et vidéos.
Corinne Mariaud a filmé en plan fixe des mannequins qui sourient pendant une à deux minutes. Cette durée, qui se rapproche de la performance, est accentuée par le silence et par la participation de l’artiste à la souffrance des modèles. Le sourire se sclérose et devient vide de sens.
Dans ses photographies, présentées en tirages simples ou en caissons lumineux, le sourire s’étire et se fige comme un masque.

Smile : un sourire comme on l’attend d’elle, un sourire discret, un sourire de convenance, un sourire qu’elle va pousser à l’extrême, jusqu’à l’épuisement. Elle le fera ... c’est ce que l’on attend d’elle, mais comme un hurlement, un cri silencieux, comme un visage désaccordé... Et vous le sentirez grincer, beau comme une menace.

 
 
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Guillaume Martial commence son parcours artistique par des études de cinéma. Ses courts métrages sont primés dans plusieurs festivals en France et à l’étranger. Son travail photographique est remarqué dès sa première publication, Le petit garagiste en 2010. Lauréat du prix SFR Jeunes talents en 2012, il expose à l’Hôtel de Ville de Paris. En 2013, le Monde Magazine met à l’honneur son travail, il reçoit le prix du jury au festival MyProvence (Marseille-Provence 2013). Il intègre la nouvelle mission photographique du paysage : France(s) Territoire Liquide qui donnera lieu, en 2014, à une exposition au Tri Postal à Lille et à une publication aux éditions du Seuil. Il est lauréat pour le prix PHPA (Photo d’Hôtel Photo d’Auteur).

Les réalisations plasticiennes de Guillaume Martial reposent sur une réflexion sur notre environnement urbain en général et sur notre comportement en particulier. Guillaume Martial photographie ce qui nous échappe. Son travail se construit, dans le domaine de la photographie ou dans celui de la vidéo, comme un inventaire des détournements possibles de l’usage des créations urbanistiques, avec une certaine poésie et beaucoup d’humour...
L’artiste se met en scène, sa silhouette rappelle Monsieur Hulot, son univers celui des films de Jacques Tati. Il ne s’agit pas d’autoportraits mais plutôt de la représentation d’un corps-acteur qui bouscule la réalité. Guillaume Martial traite l’absurdité par l’absurde.
L’exposition comprend la série Modulor constituée de neuf photographies, d’une impression sur bâche et d’une vidéo, la série Parade constituée d’une quinzaine de photographies, trois photographies tirées de la série Marseille-Provence 2013 et trois photographies tirées de la série Les Halles.

 
 
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Sortir du cercle des coquillages... Voilà un titre bien mystérieux qui intrigue le spectateur tout autant qu’il l’invite à la rêverie. Il y a en effet comme un parfum d’enfance dans cette expression qui sonne et résonne comme une règle de jeu de gamins. Quand les objets incarnent tous les désirs, quand ils se dotent de pouvoirs et de vertus sur la simple décision de leurs auteurs. Quand, matérialisant la limite ou figurant la puissance, ils prennent une dimension magique, dépassant leur réalité immédiate et sensible, pour accéder à un univers de fiction et de féérie.

Dans la proposition de Shannon Guerrico, l’enfance est là, bien présente, notamment avec cette image de petite fille en prière, entourée de ses animaux, dans laquelle le motif du point coïncide par endroits avec la représentation initiale. L’enfance est là aussi, plus en filigrane, quand l’artiste évoque quelques souvenirs pour éclairer son propos et ses enracinements : les mythes qui habitent l’Irlande et les pratiques religieuses d’Argentine qui ont irrigué et traversé son existence.
Avec l’âge adulte, l’univers de Shannon Guerrico s’est nourri d’autres histoires et d’autres rites, en particulier le vaudou. Il en résulte des gestes et des actions, lier, entasser, substituer, isoler, accumuler, qui investissent les images et les objets d’une épaisseur spirituelle. Dans la simplicité de ces procédures, ancestrales, immuables et communes à tous les âges de la vie, la réalité quotidienne est transcendée, dans des jeux de détail, d’effacement et de dévoilement, des feuilletages et des configurations renvoyant aux offrandes et aux rituels d’ici et d’ailleurs.

Les petits riens s’articulent et se façonnent dans un grand tout empreint de poésie et de sacralité. Ainsi, la pierre, la mousse et le bois dialoguent-ils dans un totem naturel, écho peut-être de la pensée de Roger Caillois selon lequel “on a recherché non seulement les pierres précieuses, mais aussi les pierres curieuses, celles qui attirent l’attention par quelque anomalie de leur forme ou par quelque bizarrerie significative de dessin ou de couleur. […] (elles) possèdent on ne sait quoi de grave, de fixe et d’extrême, d’impérissable ou de déjà péri. Elles séduisent par une beauté propre, infaillible, immédiate, qui ne doit de compte à personne ”. Ou presque...

Alors, indéniablement et au-delà des apparences, la démarche de Shannon Guerrico dans l’ensemble de l’exposition est à l’image de l’acte photographique lui-même. Elle révèle le réel et le fixe. Proposition artistique protéiforme dans laquelle le banal se pare de mystère, “Sortir du cercle des coquillages” offre au regard des récits multiples, singuliers et pluriels, que chacun peut étoffer de sa propre expérience. Telles des traces du sacré, les pièces données à voir et à vivre agissent comme autant de déclencheurs de mythologies personnelles. Quand se nouent intimité et universalité.

Anne Dumonteil

 
 
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Composée de plusieurs séries thématiques, l’exposition de Vincent Leprévost offre un voyage poétique évoquant un cabinet de curiosités.
S’appuyant sur sa connaissance exceptionnelle des chimies archaïques du médium (gomme bichromatée, tirage chromogénique, papier albuminé, tirage argentique, cyanotypie et ambrotypie…), Vincent Leprévost se livre, par un effet surprenant d’expressions hétéroclites, à une réflexion singulière sur l’image photographique.
Inspiré notamment par les écrits de Jorge-Luis Borges, ce condensé de musée imaginaire est une façon de diriger le passé dans la contemporanéité (montage de captures d’écran, prises de vue numériques et fichier téléchargé, travail à partir d’un protocole de chimie trouvé sur « YouTube », image de synthèse…), d’orienter notre pensée sur la question de l’individu.Si l’utilisation du noir et blanc crée une distance avec la réalité dans une partie de son travail, la couleur nous renvoie à des stéréotypes sexués, à des artifices commerciaux et idéologiques dans une cohérence conceptuelle.
Ainsi l’exposition, sous la forme d’une constellation d’images, propose un regard photographique entre rigueur apollinienne et liberté dionysiaque.

 
 
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L’exposition regroupe une partie de deux séries réalisées par Mami Kiyoshi, ancrées dans un processus évolutif : Tropical Family et New Reading Portraits (série scindée en deux, l’une consacrée au Japon, l’autre à l’Europe). La galerie présente, en symbiose avec la production de Mami Kiyoshi, quelques photographies exécutées au Japon sous l’Ere Meiji (1868-1912). L’art de Mami Kiyoshi est de concevoir et de préparer avec soin une mise en scène en résonance avec le quotidien, la culture et les origines des portraiturés. La prolifération des objets qui constituent leurs univers est mise en relief par ses compositions. A nous, spectateurs, de saisir cette réalité déguisée tout comme l’avaient fait les Occidentaux du XIXe siècle devant les images de l’ « Ecole de Yokohama ». Ses membres travaillaient en studio avec des acteurs costumés, maquillés, souvent perruqués, un arrière-plan peint et un premier plan présentant généralement un objet traditionnel pour rendre compte d’une réalité pourtant déjà passée. De la même façon, les sujets de Tropical Family et New Reading Portraits (Japon) s’inspirent de la mise en scène traditionnelle issue de l’estampe : représentation de la vie ordinaire, portraits de prêtre bouddhiste, d’hommes et de femmes du quotidien...

 
 
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Pour sa deuxième exposition à la galerie Annie Gabrielli, Jean-Yves Moirin présente Vanitas, une série de trente-trois images poétiques qui suggèrent le caractère transitoire de la vie. Dans l’histoire de l’art, nature morte et vanité ont été essentielles, notamment à l’époque baroque ; Jean-Yves Moirin en propose une approche contemporaine.
Derrière la représentation d’iris au début de leur flétrissure se cache une autre « réalité » qui fait basculer notre regard entre réel et fantastique, dans un espace imaginaire majestueux, délicat, poétique, d’une beauté qui pourrait se suffire à elle-même.
Après « Une obscure clarté », exposée en 2012 à la galerie, Jean-Yves Moirin joue, dans un autre registre, à croiser de nouveau les domaines de la culture picturale dont il est imprégné et celui de l’image photographique, créant un effet trompeur.




 
 
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La série 7 métamorphoses est constituée de 7 photographies de grand format, dont un diptyque. Elle décline diverses situations et forme une boucle, avec un début et une fin.
Mises en scène de manière théâtrale, les images montrent le photographe et son modèle – toujours le même – dans un décor austère et des poses hiératiques. Les lieux se réduisent à des signifiants architecturaux : un mur, une porte, une fenêtre, un balcon, un couloir et les accessoires se retrouvent d’image en image : une chaise, un rideau, une balustrade, un paysage, le cordon déclencheur de l’appareil. Nulle volonté de réalisme. Au contraire, l’abstraction des lieux semble plus de l’ordre d’un espace mental.
Néanmoins, très vite, on se heurte à des incohérences spatiales et narratives. L’impossible rencontre entre l’artiste et son modèle nous entraîne vers des situations troublantes. Le regardeur et le regardé, dont les positions parfois s’inversent, ne se voyant pas et pourtant l’un en face de l’autre dans l’image, ou dos à dos se voyant, par miroirs interposés. Ce que montre l’image n’est pas ce qui a été.
L’illusion du début fait place à un délitement de la représentation qui s’accélère d’image en image.
Au-delà du portrait, c’est la question du corps photographié que pose l’artiste. Un rapport érotique à trois composantes : le photographe, le modèle et l’appareil photographique. Ce qui rend la présence du modèle si désirable, c’est qu’il est le corps d’une image à venir.

 
 
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A l’occasion du festival Montpellier Danse, la galerie a choisi d’exposer une série photographique anaglyphe d’Yvon Bobinet intitulée Sur le devant de la scène.
Le procédé anaglyphe permet une lecture d’image en trois dimensions, par le biais de lunettes spécifiques qui servent à nous immerger dans une réalité virtuelle que constituent les différents plans. Sans ces lunettes «3D», la série présente une esthétique tout aussi surprenante, plus fantomatique. A première vue, il existe une adéquation entre la danse et la restitution qu’en fait Yvon Bobinet, mais à mesure que nous pénétrons dans son univers, nous nous apercevons qu’il dépasse l’illustration du thème, des gestuelles, et qu’il nous propose plusieurs lectures à la faveur d’images conçues comme des mises en scène, dans un bel équilibre. Yvon Bobinet réalise des juxtapositions d’éléments, recompose une ambiance de lieux urbains où il signifie son attachement à l’environnement : au spectateur de trouver les indices...
N.B : Leslie Henfrey-Smith a servi de modèle pour ce travail photographique. Formée en danse contemporaine au Conservatoire de Nantes puis au Centre Laban de Londres, elle danse aujourd’hui pour plusieurs compagnies : Cie Blanche, Cie Tadam ou Cie Maestria...

 
 
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L’exposition regroupe une partie de trois séries réalisées par Corinne Mariaud, Climax (2010), Je ne suis pas un homme (dénominateur commun des trois séries) et Trophées, ses deux derniers travaux.
L’artiste présente des œuvres dans lesquelles la femme affronte les apriori sur son sexe, de façon inattendue, provocante, parfois humoristique. Si de nombreux travaux photographiques traitent de la féminité, Corinne Mariaud s’écarte des représentations usuelles, elle détourne l’image idéale de la femme pour questionner le corps et les représentations féminines. Elle chasse un état intérieur, l’existence d’un vécu, s’implique dans ses modèles pour interroger sa propre féminité et son identité de femme dans la société. Dans ses Trophées, au-delà de la fascination pour la beauté que l’on capture et rend inoffensive, l’artiste met en évidence, de façon contenue, la fascination pour la mort, le trophée évoquant violence et mort.
Plus qu’une réflexion critique ou une dénonciation féministe, le travail de Corinne Mariaud est une quête absolue d’identité.
Corinne Mariaud vit et travaille à Paris

 
 
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Libre et Sauvage, série amorcée par une profonde réflexion sur la liberté conditionnée par notre rapport à la nature, a permis à Shannon d’engager un travail de recherche où les photographies s’ajoutent comme les maillons d’une chaîne, au plus près de ses images mentales. Son écriture est poétique et intense. Tout comme dans Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, elle nous plonge dans le Romantisme des terres balayées par les vents du nord, des formes grandioses et des personnages tragiques. Comme des personnages de roman rêvant à des jours meilleurs, nous tentons de nous échapper dans la lande. Les paysages, très picturaux, évoquent ceux de Sir Joshua Reynolds et l’un des portraits fait famille avec son Age de l’innocence (Tate Britain, Londres). Et comment ne pas penser également au moulin de Gustave Courbet et à Jo : la belle irlandaise dans l’autoportrait (ou plutôt l’autosuggestion) de Shannon ?
Au-delà de ces références, l’esthétique suggestive et l’utilisation de formats carrés de différentes dimensions (reliés de façon intuitive) insistent sur la complexité de notre relation à la nature et accentuent notre ressenti. Les êtres humains et les paysages sont mystérieux. Plus l’artiste les dévoile, plus ils sont impénétrables et moins nous en savons. Notre relation au monde, notre quête de liberté ne seraient-elles qu’illusion? Ces photographies sont-elles le reflet de notre vulnérabilité face à un monde libre et sauvage ?

 
 
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« Le sujet semble appeler le savoir faire qui lui est propre et tantôt le mouvement flouté incarne la danse, tantôt les postures joyeuses ou alanguies, saisies comme à l’arrachée, disent assez le plaisir du chant retrouvé.
Dans un univers qui se sature lentement de toujours graves images d’actualités, ou de recherche formelle et glacée, la distance débridée des œuvres de ce jeune artiste détonne dans le paysage classique de la photographie qui nous entoure et dit un secret joyeux qu’on aurait presque oublié depuis les grands maîtres : photographier peut être une activité aussi créatrice qu’euphorisante.
L’on peut aussi le dire plus simplement, Arthur Babel aime ses modèles et cela se voit. Rien d’étonnant alors qu’on visite moins cette exposition qu’on ne semble la fredonner.
Il y a, comme le disait Marguerite Duras, des « petites musiques » qui une fois rencontrées ne vous quittent plus. »

Laurent Devèze


 
 
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Artiste plasticienne polymorphe, Muriel Bordier a obtenu le Prix Arcimboldo en 2010. Ses réalisations témoignent d’une réflexion critique sur notre environnement en général et sur notre comportement en particulier. Son travail se construit, dans le domaine de la photographie ou dans celui de la vidéo, comme un inventaire de nos travers avec une certaine distance...
La série présentée par la galerie aborde, avec une pointe d’humour, les rapports entre l’architecture, l’accrochage, les œuvres et le public. Elle nous invite, à partir de maquettes photographiées, à découvrir une nouvelle façon de regarder cet environnement muséal par le biais de l’exagération des caractéristiques d’une architecture propre, épurée, immaculée. A travers une écriture photographique poétique, Muriel Bordier invente une ambiance aseptisée qui, à force de vide et de lumière, devient une vue de l’esprit, un espace immatériel, virtuel. Son point de vue transforme notre regard sur ces espaces muséaux : il ne sera plus tout-à-fait le même...
Faisant écho à cette série, la galerie présente également les dépliants « Bons baisers » et la vidéo « Tourista ».Les œuvres de Muriel Bordier sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques (Ville de Rennes, de La Rochelle, Conseil généraux, Fonds Régionaux d’Art Contemporain, artothèques...)

 
 
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« Une obscure clarté »

 « L’image photographique n’est pas le reflet d’une réalité prise au piège de \"l’instant décisif\" cher à Cartier Bresson, au contraire elle en devient la clef. L’intérêt est sa capacité à constituer un monde et d’aller au-delà du visible, voir les choses comme un monde transcendant le réel pour y discerner ce qui le taraude telles ces tensions contradictoires et permanentes entre perception et imaginaire. En photographie, le réel ne peut être perçu dans sa stricte littéralité mais toujours chargé d’interprétation. Elle dépasse le cadre de l’objectivité pour nous plonger dans un monde de la subjectivité. Tout apparaît en constante métamorphose. Les images photographiques exigent beaucoup de celui qui regarde. Qu’avons nous à faire de la lumière qui éclaire l’espace des évidences ? (...)
Par le truchement de ces photographies, l’ombre monte, étouffe la clarté et installe une inquiétante étrangeté. La lumière devient un phénomène insolite qui rend l’énergie aux corps et amortit la présence réelle des choses.Pour que la lumière agisse sur l’intimité des êtres et des choses, quoi de plus radical que l’ombre ? »
Jean-Yves MOIRIN 

 
 
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« JE VOUDRAIS VOIR LA MER »
Cet intitulé fait curieusement écho à la belle installation vidéo de Sophie Calle « Voir la mer » à la Chapelle du Méjean pour les Rencontres d’Arles. Ce conditionnel, formulé par un des interlocuteurs de la jeune artiste, Aysar Khaled rencontré au camp de Dheisheh en Palestine, introduit une distance critique en évoquant les conditions de survie dans ces camps : « Ils ont pris mon nom, mes contours et même mon âge
 Et je n’arrive plus à me souvenir de ma couleur et de mes rêves 
Et la houle m’a rejeté dans un lieu que l’on appelle camp
 Mais pour dire vrai je n’ai jamais vu la mer
de toute ma vie ».

Mouna Saboni revendique ses racines franco-marocaines, autant que ses études qui se sont d’abord matérialisées par un master en Management des Organisations Sociales et Solidaires avant le diplôme de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie obtenu cette année (2012). En lien avec ses premières études elle se rend en Argentine où elle crée une association avec des amis français et argentins pour aider les populations des bidonvilles en y faisant de l’alphabétisation, dans la Province de Buenos Aires. Sa vocation de photographe qui nait à ce moment reste aujourd’hui encore liée à ses actions militantes.
Ses portraits sensibles, comme ses paysages, témoignent avec respect et sans aucun sensationnalisme de la vie dans le camp de réfugiés de Dheisheh à Bethléem où elle est hébergée. Elle couvre aussi dans ces mêmes séjours les activités de Médecins du Monde et anime à Hébron un atelier photo pour enfants avec des appareils jetables.Ce travail dans sa diversité, mêlant portraits de mères de combattants et vues plus allégoriques de situations d’exclusion et de tension, se situe dans une pratique récente de fiction documentaire qui manifeste une vraie réflexion sur le rôle de l’image autant qu’un respect des personnes approchées dans leur individualité, un moyen modeste comme elle l’affirmait dans son mémoire de diplôme de « résister au désordre du monde ».

Christian Gattinoni

 
 
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Vladimir Markovic est né en 1955 à Belgrade, il vit et travaille à Paris. Lauréat du Mois de la Photographie de Paris en 1979, il est diplômé de l’Ecole supérieure de photographie artistique et de cinéma de Prague (F.A.M.U) en 1986.

L’exposition « Etrange et familier » regroupe deux séries, Survivantes et Correspondances secrètes.

Au début des années 1990, Vladimir Markovic photographie ce qui va devenir le cycle des Poupées, intitulé Survivantes. Il utilise des poupées trouvées, « blessées » par le temps, qui évoquent la mémoire des souffrances de la Yougoslavie et sa propre souffrance. Ce travail suscite une commande du Musée des Arts décoratifs de Paris.

C’est une partie de ce travail sériel que la galerie annie gabrielli a décidé de présenter. Vladimir Markovic met en scène les poupées anciennes de la collection du Musée, transférées dans différents décors. Il compose un univers étrange, quelquefois inquiétant, au travers duquel circulent nos souvenirs d’enfance, notre propre histoire…

Pour Correspondances secrètes, il s’agit de diptyques construits en deux parties inégales, l’une de plus grand format utilisant le noir et blanc permettant de se concentrer sur le temps qui passe, et l’autre de plus petit format utilisant la couleur, une façon de s’ouvrir sur le monde. Vladimir Markovic, pour appréhender le réel, procède par perceptions contraires mais complémentaires (noir et blanc-couleur, plein-vide, intérieur-extérieur) qui donnent une dimension énigmatique et sensible à son travail.

« Dans l’art japonais, il y a une expression énigmatique : le « Ma », qui désigne le vide, l’espace reposant entre deux sons, deux chocs, deux pensées... un lieu qui serait « rempli » de vide. Dans cet espace-temps, il se passe souvent beaucoup de choses, dans ce court moment on peut percevoir le sens de ce que l’on est et de tout ce qui nous entoure. Ce chemin de concentration autour des choses est une constante du travail photographique de Vladimir Markovic. »
Ivana Brezova, directrice de la revue « ReFoto », Belgrade, 2008.

 
 
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Mon travail consiste à créer des histoires. J’essaie, avec des photographies de type documentaire, de créer des séries qui me permettent de plonger le spectateur dans des atmosphères très précises.

Il est souvent question d’intérieurs et de la manière dont nous les habitons, des traces et des souvenirs que nous y laissons. Lorsque l’être humain est présent, il semble absent comme s’il habitait son environnement plus que sa personne, il erre tel un fantôme.

La série Whispers oscille entre fiction et documentaire sur un mode poétique.Ces instants d’intimité sont comme les bribes de mots d’une histoire décousue. Les tonalités sourdes expriment un certain calme dans une atmosphère feutrée, un silence enveloppant qui laisse place à toute la richesse de l’imagination et du rêve.

La démarche de Manuela Marques entretient des similitudes avec la mienne, dans son livre Still Nox, on ressent bien l’hostilité tapie sous les apparences du familier. J’ai également pour référence l’ouvrage Eden de Christophe Bourguedieu, qui raconte un voyage intime tout en restant à distance; notion indispensable au documentaire. Le travail de Rinko Kawauchi est aussi une grande source d’inspiration ; elle parvient à mêler autobiographie et poésie.

J’admire aussi l’oeuvre de William Eggleston pour sa maîtrise de la couleur et le ressenti qui en découle. Les films de David Lynch sont essentiels dans mon apprentissage de la création d’atmosphères, je trouve ses plans fixes captivants bien que ces derniers soient très éloignés d’une démarche documentaire.Cette série est réalisée au moyen format numérique, l’utilisation d’un cadre carré, dans un premier temps, me permet de traduire une fiction qui m’est propre. Par la suite, l’emploi d’un autre format me permet de marquer une rupture.

SHANNON GUERRICO

 
 
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Né à Paris en 1970, Laurent Seroussi est un des photographes les plus créatifs de sa génération. Il a principalement établi son univers à travers les nombreuses pochettes de disques qu’il commença à réaliser dés ses années d’études aux Arts déco de Paris (ENSAD) où il étudie la typographie et le graphisme.

Après s’être brillamment distingué dans ce domaine (en réalisant notamment la couverture du magazine Emigre, pionnier de la typographie moderne, il obtient deux bourses pour étudier successivement au London College of Printing (LCP) de Londres puis à Cooper Union à New York où il s’installe. Il continuera, durant cette période, à réaliser les pochettes de disques d’artistes majeurs en France et également des visuels pour le label de Jazz Verve à New York en tant que directeur artistique. Le monde de la musique, sensible à sa perception, lui confie la création des univers visuels d’Arthur H, Alain Bashung, Jeanne Cherhal, Mass Hysteria, M, NTM, No One Is Innocent, Thiéfaine, Renan Luce, ou encore Zazie…

Bientôt son travail est repéré par les agences de publicité françaises pour la force de ses visuels et sa capacité à communiquer des concepts.

Également réalisateur de clips depuis 1995, il sera récompensé de nombreuses fois aussi bien pour ses images fixes que pour ses films. Il continue aujourd’hui à créer des visuels pour le monde de la musique, de la publicité, ainsi que des séries destinées à des expositions.

La galerie Annie Gabrielli est particulièrement fière de présenter l’une de ces séries, encore inconnue du public.